L'avis de Benshi
Le carton initial qui nous informe que la jeune Vida pratique le beach flag, « une course sur le sable, seule épreuve internationale à laquelle peuvent concourir les sauveteuses iraniennes », apporte un ancrage documentaire au film. En Iran, les femmes ne sont en effet pas autorisées à être vues en maillot de bain par les hommes. Une épreuve de course sur le sable se substitue donc à l'épreuve de sauvetage, tandis que pour les entraînements, les lieux sont circonscrits pour les femmes qui se destinent à concourir. C'est cette situation absurde que la réalisatrice veut mettre en scène à travers le personnage de Vida.
Parce que Vida se confronte à Sareh, leur rencontre - qu'elle signifie rivalité ou solidarité - est bien au centre du film. Si le décor principal est bien la plage, le film est traversé par deux cauchemars aquatiques de Vida dans lesquels les doubles surgissent. L'eau et ses symboliques expriment dans le film les divers enjeux de cette confrontation entre les deux jeunes filles. L'eau qui engloutit ou qui régénère, depuis Vida noyée par un mannequin de sauvetage qui prend vie au début du film jusqu'à la jeune fille libérée qui flotte dans les carrés de la rizière, l'effet de boucle permet de mesurer le parcours libérateur des personnages. Les carreaux de la piscine du début du film - devenue espace clos du cauchemar - cèdent ainsi la place aux carrés de la rizière qui s'effacent pour créer un espace ouvert sur la mer, à l'image de la liberté nouvelle de Sareh, et, peut-être, de l'amitié à venir des deux jeunes filles. La belle partition musicale de Yan Volsy souligne tout le suspense lié à leurs trajectoires croisées.
Rivales, Vida et Sareh deviennent des doubles l'une de l'autre, d'abord dans l'espace prémonitoire du rêve puis dans la réalité, jusqu'au travestissement. En ce sens, la présence des corps dans le cadre de ces personnages est particulièrement intéressante par rapport aux liens qu'ils entretiennent. La rivalité première face à une mystérieuse concurrente se matérialise par le fait que le corps de Sareh ne rentre même pas dans le cadre de certaines images. Comment évaluer ce qu'on ne peut distinguer entièrement ? Le choix du cadre est un indice ici du trouble ressenti par Vida envers cette Sareh, encore inconnue, et de la trajectoire à parcourir pour aller à sa rencontre.
Si vous voulez découvrir comment, tout en « courant pour des raisons différentes, on peut cependant aller dans la même direction », Beach flags est un film à voir absolument !
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