Réalisé par un groupe d’étudiants de l’ESMA (Nantes), Je suis un caillou allie une narration sans dialogue tout en finesse et un rendu graphique inattendu pour un film réalisé entièrement à l’aide d’outils numériques. La 3D permet de récréer virtuellement des volumes de manière réaliste. Mais pour ce projet de fin d’études, les jeunes réalisateurs ont décidé de détourner son usage conventionnel avec un design graphique imparfait et poétique, s’approchant plus d’un film réalisé en 2D ou en peinture animée. Néanmoins, l’usage de la 3D apporte aux personnages une fluidité de mouvements et une présence qui suscitent d’emblée l’empathie.
Dans un monde impressionniste évolue une jeune loutre. Cette dernière s’est pris d’affection pour un groupe de cailloux recouverts d’une fine couche de mousse plantés au bord de la rivière. Lorsqu’elle s’enroule sur elle-même pour dormir, elle leur ressemble comme deux gouttes d’eau. Alors, elle s’imagine être aux côtés de sa famille et rêve de plonger dans les profondeurs en compagnie des cailloux devenus loutres par le seul pouvoir de son imagination. Mais la réalité est plus amère, ces simulacres de loutres sont bien des pierres et malgré ses fantasmes, la petite loutre est contrainte de se rendre à l’évidence : elle est seule. À la surface de l’eau, elle ne trouve que son reflet et sur la rive d’en face, une famille qui ne lui prête guère attention.
Je suis un caillou se regarde comme une promenade poétique. Les décors et les formes sont des portes ouvertes sur l’imaginaire. Le film invite à de multiples pistes d’interprétation : la jeune loutre a-t-elle perdu sa famille ? Les pierres représentent-elles une forme de cimetière ? Des monuments ? Rêve-t-elle de construire une famille ? Ou voit-elle en ses compagnons cailloux des amis imaginaires ? On ne peut répondre et c’est toute la force de ce court film dans lequel la fin (la mort) se mêle au début (la naissance) dans un plan magique où une loutre imaginaire revient à l’état fœtal puis à un état inanimé, celui de caillou. Bien que les saisons s’enchaînent, la jeune loutre ne perd pas espoir. Elle se réfugie toujours près de ceux qu’elle considère comme ses semblables avec l’espoir que cet amour portera ses fruits et qu’ils lui donneront un signe de vie…