L'avis de Benshi
Le thème de départ du Roi des masques, c'est la transmission : pour que son art lui survive, Wang a besoin d'un héritier qui pourra lui succéder dans ses spectacles. Mais dans la Chine des années 30, on ne peut transmettre qu'à un héritier mâle. Wang adopte alors un petit garçon du nom de Gouwa. Très vite, l'un et l'autre éprouvent une immense tendresse l'un envers l'autre, à tel point que Gouwa appelle Wang « grand-père ». Mais il s'avère que Gouwa est en fait une fille travestie ; c'était le seul moyen pour elle d'échapper à la pauvreté. Peut-on transmettre un savoir à une fille comme à un garçon ? Malgré le rejet de Wang, Gouwa ne cessera de lui témoigner son affection et lui prouver qu'elle est digne de lui succéder.
A partir de ce conflit, le réalisateur Wu Tian-Ming livre une oeuvre fémininiste plaidant pour l'égalité entre hommes et femmes : en effet, les filles sont peu considérées dans la Chine des années 30. Pourquoi donc une fille aussi talentueuse que Gouwa n'aurait-elle pas le droit d'acquérir les connaissances de son maître ? A cause du poids de la tradition, Wang ne perçoit pas Gouwa comme son égal. Le cinéaste entrainera ainsi ses personnages dans une série d'épreuves qui leur apprendront à dépasser leurs préjugés et leurs coutumes injustes.
La pauvreté s'affiche en toile de fond : les familles les plus défavorisées vendent leurs enfants aux plus offrants car ils n'ont plus les moyens de les nourrir. Wang, bien qu'ayant du succès auprès du public, gagne très mal sa vie et se retrouve parfois maltraité par les soldats de l'armée impériale qui veulent connaître le secret de sa magie. Le film dénonce habilement les injustices sociales qui marginalisent les innocents.
Le réalisateur revendique l'art comme moyen de lutter contre la malhonnêteté des plus puissants. Le motif du masque permet de jouer avec l'illusion de se faire passer pour un autre : c'est le cas dès le début, lorsque Gouwa se déguise en garçon pour se faire accepter par Wang. Et dans le dénouement du film, dans un geste de désespoir, elle donne un spectacle de théâtre devant un large public pour crier l'innocence de son maître, victime d'une erreur judiciaire. A ce moment, les masques tombent littéralement et le chef des militaires reconnait qu'il se comporte comme un être froid et sans humanité. La jeune disciple a sauvé son maître, et ce dernier l'accepte enfin telle qu'elle est. La transmission, nous dit le réalisateur, va dans les deux sens.
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