Pour cette adaptation de La petite Marchande d’allumettes d’Andersen, les réalisateurs Anne Baillod et Jean Faravel ont choisi d'utiliser des matières et des moyens très simples de mise en scène : du papier découpé, dans une dominante chromatique noire et blanche, avec des effets de transparence lumineuse en couleurs. Le sujet de ce conte est la pauvreté, donc pas d’effets spéciaux, mais au contraire une économie narrative qui puise au cœur de la simplicité stylistique.
Différents tableaux se succèdent : la forêt sous la neige, qui progressivement devient forêt urbaine, avec ses poteaux électriques, puis la ville, le jour et la nuit. Les panneaux publicitaires semblent seuls vivants et compatissants, les hommes ne sont que des silhouettes noires ; des ombres sans âme. Et la petite fille grattant ses allumettes se trouve finalement réchauffée par le poêle providentiel, puis amusée par les entrechats de la dinde rôtie, et c'est le petit chat noir qui vient la chercher pour trouver le réconfort dans les bras de sa grand-mère.
Les différents tableaux de ce conte animé très parcimonieusement font penser aux vues des mégaléthoscopes, ces machines inventées au XIXe siècle en Italie, qui sont les ancêtres du cinéma. Ce sont de belles boîtes en bois sculpté, à l'intérieur desquelles, il était donné de voir des paysages, généralement des places italiennes, des vues de Venise, éclairées de jour puis de nuit. Par un système d'éclairage frontal, puis par derrière, la vue de nuit semblait miraculeuse : les ruelles, les façades s'éclairaient de mille lumières chatoyantes, grâce aux interstices ménagés sur la plaque photographique.
C'est cette beauté miraculeuse de l'essence du cinéma qui émane de ce conte en noir et blanc et en couleurs.