Dans ce court métrage sans paroles, Carol Freeman, réalisatrice irlandaise et également productrice du film, met en scène un petit baleineau qui peine à trouver sa voix (et sa voie). Rejeté par ses pairs du fait des sons peu harmonieux qui s’échappent de sa bouche, le petit baleineau décide de prendre le large. Au cours de son voyage, d’abord solitaire, il croise la silhouette menaçante d’un requin, mais se retrouve aussi face à une série d’apparitions inattendues. Valises, malles, vêtements se dispersent dans l’eau suite au naufrage d’un bateau et semblent y trouver une seconde vie. Voguant sur les flots, le baleineau croise enfin un oiseau enfermé dans sa cage. L’oiseau chante. Face à lui, le baleineau ose user de sa voix. Ensemble, ils dansent, bercés par leurs propres chants. Une amitié est née. Si celle-ci n'est que de courte durée, le baleineau gardera de son ami le plus beau des cadeaux : sa voix.
Ce court métrage à la structure narrative simple et efficace se lit comme un conte initiatique. Pour le réaliser, Carol Freeman et son équipe féminine ont choisi la technique de la peinture sur verre. Les animatrices peignent chaque image sur une plaque de verre sous un appareil photographique. Des milliers de photographies sont prises à mesure que les dessins évoluent. Mises bout à bout, selon le principe du stop motion, les photographies forment un film. La peinture sur verre permet d’obtenir des couleurs lumineuses et de laisser apparente la matérialité de la peinture car cette dernière n’est jamais bue par le papier. Le résultat est absolument sublime. Nuancier de bleus marins, lumières du jour, crépusculaires et nocturnes se déclinent sous nos yeux comme de véritables toiles en mouvement. La scène de chant entre le baleineau et l’oiseau au coucher du soleil où l’on passe d’un ciel et d’une mer bleue aux teintes roses et chaudes du soir est splendide.
Le succès du film repose sans conteste sur sa maîtrise picturale, mais également sur la très belle composition musicale de Chris McLoughlin. Cette dernière se fait à la fois l’écho des sentiments de la petite baleine et sa voix-même. L’équilibre entre la musique extradiégétique (hors du récit) et la partition intradiégétique (dans le récit) participe de la beauté du film et nous saisit au plus profond.