• Longs métrages

Sidewalk stories

  • Age :

  • A partir de 8 ans

Synopsis

Un jeune vagabond déambule dans les rues de New York et côtoie les laissés-pour-compte, ceux qu'on ne regarde pas, ceux qu'on n'entend jamais. Un soir, après avoir assisté à un crime, il recueille une fillette de 2 ans. Commence alors la véritable aventure dans la ville immense, dans le froid de l'hiver.

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L'avis de Benshi

Au début, on n'entend rien. Pas un mot, pas un souffle, pas une note de musique ne viennent troubler l'agitation frénétique de Wall Street. On pense aux tout premiers films de l'histoire du cinéma, les vues Lumière qui permettaient, en 1 minute, de découvrir un ailleurs, le rendaient visible. Des gens courent, se disputent un taxi, la foule se presse sur les trottoirs.

Très vite, le décor change, le quartier des affaires laisse la place à un quartier pauvre, délabré où des vagabonds déambulent, toujours en silence. Parmi eux vit un jeune homme « L'Artiste », qui dessine des portraits pour gagner sa vie. Un soir, un tragique hasard met sur sa route une fillette de 2 ans. Commence alors pour cet étonnant duo, fragile et lumineux, une bataille sourde et âpre pour trouver une place dans le monde.

Sidewalk stories, Histoires de trottoir, est un film curieux, qui nous entraîne avec douceur vers des territoires inattendus. On pense à Charlie Chaplin et à son Kid, dont l'histoire est presque identique. On pense aussi à Buster Keaton et à sa gracieuse maladresse. Le cinéma burlesque est là, tout près, comme un compagnon de route sur qui on peut compter. Mais dans ce film-là, pas de vitesse, pas de course effrénée, pas d'accélération subite. Charles Lane prend le temps, celui, précieux, de la balade, de l'attention au monde. Le réel n'est jamais loin.

Lane filme les foyers, les postes de police, le froid qui mord la peau, les rues, la nuit qui tombe. Et ceux qui sont le véritable sujet du film, les sans-abris, les vagabonds, les laissés-pour-compte.

Le mutisme du film est le leur, eux qui n'ont plus de voix, plus de parole. Mais à ce mutisme répond la musique du film, merveilleuse, mâtinée de jazz, empreinte d'une douceur et d'une énergie qui portent le film vers le ballet, qui offrent aux corps fatigués, transis, usés, la grâce et la légèreté des danseurs.

Sidewalk stories est un film magnifique car c'est un film digne, droit, où chacun peut se tenir debout malgré la sécheresse du monde, son injustice et son infinie tristesse. C'est un film qui rend visible ceux qu'on ne voyait plus et qui réussit un miracle : faire sortir du silence ceux qui y étaient plongés, faire parler de nouveau ceux qui étaient muets.

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A partir de quel âge

Dès 8 ans, les enfants pourront apprécier le film, qui leur rappellera les films burlesques tout en les ouvrant à une autre forme de cinéma, plus proche du réel.

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Les bonnes raisons de voir le film :

  1. Pour découvrir un film muet nourri de Charlie Chaplin, de Buster Keaton et du monde d'aujourd'hui.
  2. Pour son humanisme sans aucune mièvrerie.
  3. Pour la séquence finale, aussi surprenante que poignante.
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Informations complémentaires

Un entretien avec Marc Marder, le compositeur de la musique du film, très éclairant et absolument passionnant :

« C'était mon rêve de faire de la musique de film : Charles et moi, on se connaissait très bien, il m'a fait confiance complètement. C'est étrange cette complicité. Elle dure toujours. […]

En cinq semaines de travail très intense, j'ai composé la musique. [...] Le problème, c'est que j'avais environ cent minutes de musique à écrire, alors j'ai écrit dans beaucoup de styles différents – en fait, tout ce que je savais. L'idée était d'être quelqu'un dans la rue à New York, qui passe devant des magasins, des appartements, et qui capte tout ce que l'on peut entendre, les radios chez les gens, dans la rue : un mélange sonore, des quatuors, du tango, du jazz. Avec ce mélange, on entre dans des mondes à chaque fois différents. Il y avait beaucoup de jeu aussi dans tout ça. Il y a des citations musicales, comme Do, do, l'enfant, do au Burger King, l'hymne américain dans le square avec les enfants, la pièce célèbre de Mendelssohn sur les amoureux de la calèche. Il y a des souvenirs de Mozart, de Beethoven ; les morceaux tristes, c'est plutôt du Schubert.

J'ai composé entre 72 et 80 séquences de musique, c'était un travail énorme. Sur la scène du kidnapping, il y a un seul morceau de musique, qui change de style à l'intérieur même du morceau. […]

Avec le clavecin et le violoncelle sur la première apparition des kidnappeurs, j'ai voulu imiter les récitatifs des opéras baroques. L'idée était que le spectateur s‘interroge : qu'est-ce qui se passe maintenant ? Un peu à la manière d'un coup de théâtre - plutôt un "coup d'opéra". Sinon les autres instruments épousent les sentiments ou les caractéristiques des personnages. Pour l'Artiste, c'est plutôt le piano. Le tango, qui intervient quand l'Artiste se fait refouler par le Portier, est très systématique : quand Charles apparaît, c'est la clarinette ; le Portier, c'est le basson et, quand la Jeune Femme est au téléphone ou qu'elle descend, c'est le violon. Dans cette scène, ce sont les instruments qui jouent le rôle des personnages, mais je ne fais pas cela partout dans le film. Disons que, dans Sidewalk Stories, la musique est écrite à l'image près seulement pour 60 ou 70 pour cent. [...] Pour composer la musique, j'ai peut-être regardé cent fois le film de Charles, dans ses moindres détails, parce qu'avec la musique on peut tout chambouler : c'est aussi une interprétation du film. Il y a une scène, dans l'appartement de la Jeune Femme, où, après avoir pris un bain, l'Artiste se voit brusquement dans un miroir. Là j'ai mis un morceau assez triste, nostalgique. Et Charles a dit : « Ah, c'est intéressant ça ! » parce que ça change complètement le sens de la scène, qui n'est plus comique. Cette distance subite par rapport aux objets, à cet appartement, cette brusque prise de conscience - et cela explique aussi qu'il ait pris les chandeliers. [...].

L'image te donne une contrainte, tu es libre d'écrire dans n'importe quel style. Un ami violoniste m'a dit un jour: « Au cinéma, les spectateurs veulent pouvoir se souvenir de la musique, parce que c'est la musique qui va leur rappeler telle scène du film. » Alors le rêve d'un compositeur, c'est d'écrire des mélodies, de trouver des couleurs – Nino Rota, Chaplin, ce sont des petites mélodies – qui vont rappeler tout de suite les images. C'est ce que j'ai essayé de faire dans Sidewalk Stories, et aussi par contraste avec la dernière séquence, où il n'y a plus aucune mélodie : sur cette séquence, j'ai mis des contrebasses, des sons très étranges, comme un disque qui tourne au ralenti, une atmosphère de terrain vague, quelque chose qui se dissout – il n'y a plus de mélodie et les paroles des sans-abri deviennent des mélodies à la fin. L'idée de Charles était de faire un film muet sur les sans-abri, parce que ce sont des gens sans voix. C'est la musique dans ce film qui est leur voix. Les quinze premières minutes, on a du mal à entrer dans le film, parce qu'il est muet, puis on s'attache aux personnages et on est vraiment dans le film, et à la fin on se dit : Ah ! Le sol est tombé ! Où est-ce qu'on est ?... on est dans la rue. » - 4 novembre 2003

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  • Burlesque
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