Dans ce court métrage d’animation, mêlant marionnettes 3D, papier découpé et dessin animé, Eric Montchaud aborde, avec une grande subtilité et par un minutieux travail sur l’image et le son, les tourments d’un enfant ayant fui son pays.
Écrit quasiment sans dialogue, le film parvient à figurer l’isolement et notamment à mettre en images la barrière de la langue par l’apparition de signes et de lettrages situés au-dessus des visages des personnages, évoquant la difficulté à se parler et à se comprendre. La diversité des techniques d’animation joue également son rôle pour raconter les différentes temporalités de l’histoire, faisant alterner les séquences au présent en 3D et celles en dessin animé renvoyant au passé de Grenouille. Mais c’est aussi grâce à une riche composition sonore, faite de bruitages, d’onomatopées et de nappes musicales que le récit bascule de la réalité au souvenir. Ainsi, le son d’une cloche ou d’une ampoule qui grésille ravive les traumatismes de la guerre et de l’exil, replongeant Grenouille dans de sombres cauchemars où d’étranges vigies lumineuses quadrillent l’espace et sèment la terreur.
Mais du cauchemar on peut sortir, dès lors qu’une âme bienveillante nous tend la main et que l’amitié se tisse. Qu’importe que l’on soit grenouille, lapin ou canard, le plus important n’est pas la différence mais bien ce qui fait commun - jouer et rire ensemble, par exemple - avec chacun dans son bagage, ses secrets et ses propres trésors.