Brendan et le Secret de Kells est, avant tout, un grand film d'aventures. Son introduction n'a rien à envier à celle du Seigneur des Anneaux, de Peter Jackson, avec le résumé de la situation susurré par une fée sylvestre (Aisling/Galadriel), qui nous plonge en un instant dans le film : on y parlera de nature, de magie, d'invasions vikings, de douleur et de culture salvatrice ; nous voilà prévenus. Si le scénario est très linéaire, il n'est pas pour autant simpliste et fourmille de détails ; les péripéties ne sont en rien gratuites et lâchent, toutes à leur manière, des informations pertinentes, historiques ou artistiques. Il regorge aussi d'allusions à la culture irlandaise et illustre magnifiquement le syncrétisme irlandais, mêlant légendes et divinités celtes et chrétiennes. Toujours d'actualité brûlante, et à des parsecs d'un quelconque prosélytisme, il oppose la force de la beauté de l'art et de l'écrit aux armes de ces hordes avides et incultes qui ne vivent que pour l'or (toute ressemblance...). En effet, si ce sont des moines copistes ou enlumineurs et si le Livre de Kells est un ouvrage religieux, il s'agit surtout de la survie d'artistes se consacrant totalement à la production d'une oeuvre incomparable à aucune autre.
Le film tire à plein parti des possibilités de l'image numérique, la mêlant avec une grande subtilité à l'animation traditionnelle, pour un rendu très particulier. On est ici parfois transporté dans des enluminures, les perspectives et les proportions ne sont en rien respectées, et c'est un véritable régal pour les yeux. Nous invitant tant à un voyage temporel qu'à une visite d'une Irlande éternelle, fantasmée, certes, mais si belle ; nous trimbalant allègrement entre réalisme historique et onirisme quasi forcené ; nous donnant envie de nous inscrire, là, tout de suite, à des cours de gaélique, Brendan et le secret de Kells est, après tout, un grand film d'aventures.