Nuit chérie offre une très douce et profonde déambulation nocturne en compagnie de deux personnages : un gros ours et un petit singe. Tous deux ont en commun de ne pas réussir à dormir. L’ours devrait hiberner, mais un rêve qui revient en boucle l’empêche de trouver le sommeil. Le petit singe, quant à lui, est tenu éveillé par la beauté, celle de l’hiver, de la nuit, du silence, toutes choses merveilleuses qu’il aime à contempler. Ces deux âmes esseulées se croisent et se mettent en marche en direction d’une épicerie de nuit où ils espèrent trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Au loin, une vague menace, celle d’un yéti qui n’est peut-être pas celui que l’on croit.
De ce presque rien, deux personnages qui se découpent sur des nuances de bleus étrangement lumineux et chauds, Lia Bertels fait un monde. Quelque chose s’ouvre alors, comme une brèche dans un paysage à la fois extérieur - celui de lacs, de collines, de chemins, de bois, d’un arbre esseulé tordu par le vent – et intérieur – celui des émotions qui parcourent tout un chacun lorsque le sommeil se dérobe. Grâce aux voix des comédiennes et comédiens, uniques, profondes et fragiles, on touche du doigt ce que c’est que de ne pas dormir, ce que cela peut avoir de pesant d’une part, mais de l’autre, les possibilités que cela offre. Tout à fait accessible aux enfants, le ton du film a néanmoins la grâce particulière de flirter avec des douleurs qui semblent venir de loin. La mélancolie qui l’irrigue passe par son rythme, admirable de lenteur, et sa musique, celle d’un loup affamé qui joue pour oublier sa faim. L’univers de Lia Bertels, poétique, contemplatif, profond, s’épanouit à merveille dans ce court-métrage qui prend son temps, comme une danse nostalgique.