Parapluies est un court métrage d’animation étonnant qui allie à la fois une technique, un rythme et des ressorts narratifs classiques tout en s’imposant par son originalité. Avec ses décors peints à l’aquarelle et ses personnages animés en 2D, la technique d’animation choisie par José Prats et Alvaro Robles n’est pas sans rappeler les premiers films d’animation des Studios Disney. Le rythme du film, sa musique entraînante et son suspense happent notre attention presque comme le ferait un film d’action. Et pourtant, le film n’a rien de classique ou de « déjà-vu ». Dans sa forme et dans sa narration, Parapluies propose quantité d’idées originales et aborde avec une grande simplicité de mise en scène les enjeux fondamentaux de la construction de tout être humain.
Dans un ciel d’un violet surréaliste, une série de petits parapluies descend lentement vers la planète Terre. Qu’ils soient humains ou animaux, les bébés sont déposés devant des maisons par des parapluies. L’un d’eux est troué. De là naît une sorte de « traumatisme originel » : la petite fille grandira avec une terrible phobie de la pluie. Heureusement, le hasard fait bien les choses, son père possède une barbe si grande qu’elle fait office de parapluie. Protégée, la petite fille grandit jusqu’au jour où son tour est venu de devoir protéger un plus petit qu’elle…
À partir du motif du parapluie, le film déploie avec finesse et élégance un faisceau d’idées complexes sur le lien que nous entretenons avec l’Autre et le Monde — l’attachement, la protection, la peur, la différence, la liberté, etc. Le parapluie sert à « faire le lien » entre la petite fille et son père. Le parapluie amène la petite fille à son père. Le parapluie sauvera cette dernière lorsqu’elle se retrouvera suspendue au-dessus du vide. Il lui servira in fine à protéger plus petit qu’elle. Objet transitionnel par excellence, le parapluie matérialise le désir de protection du père face aux peurs de sa fille et la difficulté pour l’enfant d’affronter ses peurs. Si la barbe du père fait un temps office d’abri protecteur, ce dernier recoud le trou dans le parapluie de sa fille de manière à ce qu’elle puisse affronter la pluie seule. Dans le geste final, l’enfant « coupe le cordon » avec son père en lui coupant la barbe. Ces multiples images à la portée métaphorique évocatrice sont très joliment exploitées dans ce court métrage qui se passe de mots pour dire l’essentiel. Lorsqu’elle se sent protégée, les couleurs qui entourent la petite fille deviennent plus chaudes et plus gaies. Une idée de mise en scène qui nous donne une clé pour accéder aux sentiments qui traversent l’enfant. Le choix de l’aquarelle pour la réalisation des décors fait bien sûr écho au thème de l’eau qui irrigue tout le film.