Apprécié des petits comme des plus grands, La Prophétie des Grenouilles reprend un thème biblique – le déluge, un mythe également présent dans d'autres cultures – en le débarrassant de sa charge religieuse pour en faire un conte universel. Sans oublier les thèmes qui lui sont chers – la filiation, la différence, la famille – Jacques-Rémy Girerd leur donne une autre résonance avec ce film à la fois modeste dans son propos et ambitieux dans sa réalisation. L'histoire est particulièrement efficace, et le suspense omniprésent : vont-ils tenir jusqu'à la décrue ? L'animation est particulièrement précise, vivante : le déluge lui-même est particulièrement saisissant, et crédible.
À cette prouesse technique s'ajoute une vraie intelligence narrative : le déluge n'est en effet que le prétexte à un hymne à l'acceptation de l'autre. Hommes, animaux, générations et espèces sont forcés, pour survivre, de cohabiter sur cette arche improvisée... Mais ce n'est pas facile. Entre les rancœurs, la faim, la nature même qui oblige chacun à obéir à la loi de son espèce, l'arche n'est pas tant menacée par l'extérieur – et les événements climatiques – que par l'intérieur : ses habitants. Au prix de nombreuses péripéties, tractations, drames, c'est une fable à la portée universelle que nous livre Girerd : pour vivre ensemble, il faut certes accepter l'autre dans sa différence, mais aussi savoir renoncer à une part de soi. Ce message, plus original qu'il n'y paraît, est véhiculé avec un humour décapant, des personnages hauts en couleur, et une formidable inventivité visuelle. Un film indispensable !